Retour à Bornéo
1994 – île de Bornéo Kalimantan, Indonésie – Expédition
cinématographique
Le réalisateur de film documentaire Gérald
Duduyer et son équipe se
rendent sur l’île de Bornéo, dernier bastion sauvage
de l’archipel
indonésien. Thierry Goron est le caméraman de
l’expédition, l’explorateur Georges Bourdelon, du haut de ses
70 ans,
tient lieu de
conseiller scientifique et Bruno Lambert celui d’assistant réalisateur.
Le but de cette expédition, commanditée par des chaînes de télévision
française, est de reconstituer l’itinéraire réalisé par l’équipe de
Pierre Pfeiffer, du muséum d’histoire naturelle, en 1956. A
cette
époque, Georges était le caméraman de l’expédition.
Dans les années 50, les Dayaks étaient encore très craints par les
explorateurs. Aujourd’hui sédentaires, ces ex-chasseurs de têtes
partagent le territoire avec les Punans, jadis chasseurs nomades et
cueilleurs de nids d’hirondelle.
L’équipe s’est dotée d’un moniteur
portatif et d’une
copie du film
l’expédition de 1956 dans le but de le visionner
aux Dayaks rencontrés.
Elle prévoit de remonter du fleuve Kayan jusqu’aux limites des zones
interdites, considérées comme taboues par les populations
locales,
soit
environ 700 kilomètres aller et retour de navigation
périlleuse. En quarante ans, les villages se sont modernisés,
certains sont pourvus
d’écoles, de stades de football et de dispensaires. Les régions
littorales ont été déboisées, les dernières « longues oreilles » font
figures de curiosités et les célèbres collections de têtes humaines ne
sont plus visibles. Pourtant, très loin dans les hautes terres, Georges
reconnaît les lieux… et les gens ! Les ladangs, des parcelles cultivées
sur brûlis, n’ont pas changé, les anciens portent toujours le mandaus,
le sabre dayak, et chiquent encore le bétel… Les derniers guerriers
survivants de cette époque se souviennent de l’expédition de 1956.
En visionnant les images d’archives, les visages
s’éclairent, ou se
ternissent... Certains se reconnaissent, ou retrouvent leurs
proches
aujourd’hui décédés. L’émotion bat son comble et les langues
se dénouent. Ultimes témoins d’une époque révolue, les vieux
guerriers se
confient la larme à l’œil. Sédentarisés, subventionnés par le
gouvernement indonésien pour se faire « retailler » les oreilles,
éduqués, logés et soignés, les vétérans pleurent le temps des
hommes
libres, l’époque ou il fallait chasser pour survivre, courir la jungle
pour exister… La forêt était immense, les animaux pullulaient et les
enfants suivaient l’enseignement des anciens.
Un peu partout sur la planète, en Amazonie, dans le Sahara, en Océanie
ou en Terre de feu, « intégration » rime trop souvent avec disparition,
extinction et destruction des peuples et des savoirs ancestraux qui
seront à jamais perdus pour le reste de l’humanité.