Objectif Pôle
1995 – Territoires du nord-ouest canadien – Le pôle nord
magnétique à pied et sans assistance
Pour Bruno Lambert, atteindre le pôle nord était un rêve d’enfant.
Après avoir minutieusement étudié l’environnement polaire et les récits
des précédentes expéditions, il décide de tenter sa chance. Non pas au
pôle géographique, situé à la convergence des méridiens, comme l’a fait
en 1986 le docteur Jean-Louis Etienne, mais au pôle magnétique, moins
éloigné du continent et plus « accessible »
financièrement.
L’objectif :
conduire une équipe jusqu’au pôle au départ de Resolute Bay, à pied, en
tirant son propre traîneau et sans assistance. Trois années de
préparation ont été nécessaires pour que cette aventure prenne forme.
Corinne Pelozuelo (25 ans), Franck Chambolle (22 ans)
et Bruno Lambert (32 ans) forment le peloton. Les spécialistes locaux
sont convaincus que cette entreprise est vouée à l’échec. Selon eux,
les français sont beaucoup trop jeunes ! Seul l’explorateur
japonais Hyoichi Kono (河野 兵市), qui va tenter lui aussi le pôle, mais en
solitaire, croit en la réussite des Français.
Pendant les
trois semaines d’entraînement qui précédent l’expédition, les
températures descendent jusqu’à – 53° avec des rafales à 200 km/h.
Perturbée par la proximité du pôle, la boussole s’avère inutile et les
GPS (de l’époque) ne sont pas assez performants pour s’y fier
totalement. La radio, une encombrante BLU, est alors le seul lien qui
relie l’équipe au reste du monde. Un suivi pédagogique de l’expédition
avec une école pilote des Alpes de Haute Provence accompagne le projet.
Les
trois coéquipiers quittent Resolute le 25 mars, jour du décès de
Paul-Emile Victor. Atterré par la nouvelle, Bruno dédie l’expédition à
son mentor. Les conditions météorologiques sont effroyables mais les
Français semblent surmonter tous les obstacles : blizzard,
crevasses, crêtes de compression, navigation solaire. Quelques jours
après avoir quitté le camp de base, ils croisent la route du Japonais
solitaire. Cette rencontre fortuite au beau milieu de nulle part lie
les deux chefs d’expédition qui chemineront ensemble tout en gardant
leur autonomie réciproque.
Mi-avril, un ours traverse le
campement, Corinne et Kono ont les cornées gelées, la radio fonctionne
par à-coups, le moral vacille… Malgré cela, les explorateurs quittent
l’archipel et s’avancent résolument dans l’océan arctique qui s’étend à
perte de vue, tourmenté par des courants invisibles.
Le 19
avril, après seulement 24 jours, les quatre explorateurs atteignent le
nord de King Christian Island, position du pôle magnétique cette
année-là. Un record est battu. Des cinq expéditions de nationalité
différentes en partance durant cette période, seuls le Japonais et
l’équipe de Bruno aboutissent. Corinne devient la première Française à
gagner ce point mythique en équipe.
Ce tremplin médiatique
propulse littéralement ce qui va devenir les Marcheurs de la Terre. En
2004, alors qu’il tentait une traversée intégrale de l’océan Arctique,
Hyoichi Khono San nous a quitté, happé par la banquise et ses
passions.